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Accord collectif et contrat de travail

Les marges de manœuvre offertes par le nouvel « accord de compétitivité » institué par les ordonnances Macron

L’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective, publiée le 23 septembre 2017, crée un nouveau type d'« accord de compétitivité » qui remplace les accords de maintien de l’emploi, de préservation ou de développement de l’emploi, de mobilité interne et de réduction du temps de travail. Ses conditions de recours sont très larges et le refus du salarié de s’y plier justifie son licenciement.

Avant les ordonnances : une pluralité de dispositifs permettant la modification du contrat de travail par accord collectif

En principe, le contrat de travail prime sur l’accord collectif lorsque ses clauses sont plus favorables que le texte conventionnel (c. trav. art. L. 2254-1). Néanmoins, le code du travail avait institué plusieurs exceptions à ce principe en permettant à certains accords collectifs de s’imposer au contrat de travail du salarié, même s’ils étaient moins favorables que celui-ci : accord de maintien de l’emploi (c. trav. art. L. 5125-1 à L. 5125-7 dans leur version antérieure au 24.09.2017), accord de préservation ou de développement de l’emploi (c. trav. art. L. 2254-2 dans sa version antérieure à l’ordonnance), accord de réduction de la durée du travail (c. trav. art. L. 1222-7 et L. 1222-8 dans leur version antérieure au 24.09.2017), accord de mobilité interne (c. trav. art. L. 2242-17 à L. 2242-19 dans leur version antérieure au 24.09.2017).

Chacun de ces dispositifs avait son régime propre en termes de conditions d’accès, de licenciement si refus du salarié de se plier à l’accord et d’accompagnement du salarié licencié.

Considérant que la pluralité de ces dispositifs était source de complexité pour les entreprises, le gouvernement a décidé d’unifier leur régime juridique et de simplifier l’ensemble de leurs paramètres (cas de recours, contenu de l’accord, licenciement du salarié en cas de refus). L’objectif : clarifier les leviers de négociation à disposition des entreprises leur permettant de s’adapter à un environnement en mutation constante.

Avec les ordonnances : un « accord de compétitivité » simplifié pour répondre aux besoins des entreprises

L’une des ordonnances Macron institue un nouvel « accord de compétitivité » que l’employeur peut mobiliser afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi (c. trav. art. L. 2254-2 modifié). L’accord peut donc être conclu aussi bien dans un cadre défensif (difficultés économiques) qu’offensif (croissance et développement de l’entreprise).

À cet effet, l’accord peut :

-aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;

-aménager la rémunération, dans le respect du SMIC et des minimas conventionnels ;

-déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Le contenu de l’accord est laissé à la libre appréciation des partenaires sociaux de l’entreprise, puisque la seule obligation est de prévoir un préambule définissant les objectifs poursuivis.

À titre facultatif, l’accord peut préciser :

-les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, et le cas échéant, l’examen de la situation des salariés à son terme ;

-les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés ;

-les modalités de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés.

Signalons que lorsque l’accord met en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, il doit respecter les dispositions du code du travail prévues pour ce mode d’organisation du travail : durée maximale de la période de référence, modalités de décompte des heures supplémentaires, délai de prévenance en cas de changement de la répartition de leur durée de travail (c. trav. art. L. 3121-41, L. 3121-42, L. 3121-44 et L. 3121-47).

L’accord s’impose de plein droit au contrat de travail du salarié, lequel peut refuser la modification de son contrat résultant de l’application de l’accord. Le salarié dispose alors d’un mois pour adresser, par écrit, son refus à l’employeur.

L’employeur peut licencier le salarié ayant refusé de se soumettre à l’accord. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse de rupture (licenciement dit « sui generis » dans le jargon juridique). Il est soumis à la procédure du licenciement pour motif personnel.

L’employeur doit abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié licencié, dans des conditions qui seront définies par décret. Selon des informations obtenues auprès de l’entourage du ministère du Travail, cet abondement s’élèverait à 100 heures.

Conditions de validité et entrée en vigueur

Ce nouvel « accord de compétitivité » est soumis aux conditions de validité des accords majoritaires dès le 24 septembre 2017 (ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017, art. 37). Il doit donc être signé par des syndicats représentatifs totalisant plus de 50 % des suffrages aux dernières élections ou, à défaut, être signé par des syndicats représentatifs ayant obtenu plus de 30 % des suffrages et validé par référendum.

À notre sens, le dispositif n’est, à l’heure où nous rédigeons ces lignes, pas encore mobilisable, puisqu’il ne sera « bouclé » qu’avec la parution du décret sur l’abondement du CPF.

Notons qu’en revanche, les dispositions relatives aux accords de maintien de l’emploi, aux accords de préservation ou de développement de l’emploi, à la modification du contrat de travail par un accord de réduction de la durée du travail et aux accords de mobilité interne ont été abrogés avec effet immédiat.

Ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017, art. 3, JO du 23

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